Création de contenu et financement en 2018

Il y a deux ans, j’avais écrit un guide sur les différentes façons de solliciter – et, surtout, de recevoir – un financement quand on est créateur. Depuis, le paysage a pas mal changé: certains services ont disparu, d’autres sont apparus et, parmi les survivants, les fortunes (ha! ha!) sont diverses. Je reprends donc le clavier pour un nouveau tour d’horizon des outils et services de financement pour créateurs en ce début 2018.

Pourquoi, comment?

Déjà, on peut me poser la question “pourquoi financer”. La réponse simple est: parce que c’est possible.

Personnellement, j’ai un vrai-boulot-qui-paye-les-factures, donc ce n’est pas capital (ha! ha!) pour moi. J’ai cependant pas mal d’ami·e·s créateurs et créatrices pour qui un revenu, même d’appoint, n’est jamais à négliger. On a le droit de vouloir travailler pour l’Amour de l’Art, mais l’intérêt des donations, c’est que ça donne un vrai bon coup de boost à l’égo. Plus qu’un petit cœur sur un réseau social.

Ce qui mène à la deuxième question, “est-ce que ça rapporte?” La réponse est oui et non; si je prends mon exemple, les revenus que je récupère me permettent de financer (en partie) mes propres dons. C’est un peu un geste militant, un proof of concept qui, je l’espère, pourrait inspirer certains de mes petits camarades en blogueries.

Au-delà mon exemple, qui est de l’ordre de l’anecdote, il faut se rappeler de la Deuxième loi de Doctorow: “La célébrité ne vous rendra pas riche, mais vous ne pouvez pas être payé sans elle.” Ainsi, les services de dons et de mécénat fonctionnent nettement mieux auprès de créateurs et créatrices qui ont déjà une certaine notoriété.

À la suite du premier article, une des questions qui m’avaient été posées, c’était “pourquoi se faire chier?”. En gros. Là, de deux choses l’une: soit vous êtes créateur ou créatrice et que vous avez une certaine notoriété, et dans ce cas on peut utiliser cette notoriété; soit vous êtes un semi-branlo dans mon genre et ça peut vous permettre en retour de financer lesdits créateurs et créatrices en question.

Dans tous les cas, mettre en place les services de financement dont je parle ne demande pas de gros efforts. Disons dix minutes pour créer un compte, à peu près autant pour intégrer les outils sur le site – allez, au max, en une demi-heure, c’est chose faite! Bon, les services de mécénat demandent un peu plus de réflexion. Il faut penser à des contreparties et à des paliers, définir un but, etc. Mais ce n’est même pas obligatoire, c’est juste mieux.

Et la publicité?

Ha! Ha! Ha!

Pardon.

Mais en vrai, ha! ha! ha! quand même. D’une part, c’est bien plus difficile à mettre en place que des boutons de dons: il faut trouver une régie publicitaire qui veut bien de vous, mettre en place les systèmes qui distribuent la pub, on n’a qu’un contrôle assez limité de ce qui va apparaître sur ses pages. Et, surtout, ça ne rapporte pas. Déjà, la plupart des utilisateurs naviguent avec un bloqueur de pubs et, en plus, les tarifs sont en chute libre depuis des années.

Il y a bien les services d’affiliation, qui semblent rapporter un chouïa plus, mais là encore, ça implique du boulot et un public, donc de la notoriété. Et, d’après ce que j’ai lu, c’est un domaine plutôt volatil.

Dons et microdons

Il y a deux ans, je comptais trois services qui permettaient d’envoyer des dons. C’est également le cas aujourd’hui, mais pas exactement les mêmes – à commencer par la disparition de ChangeTip.

Flattr est toujours là, mais, après son rachat par la compagnie qui gère AdBlock Plus, le service a changé de concept, passant d’un système basé sur le choix direct de l’utilisateur via un bouton à un mécanisme de suivi du trafic par le biais d’une extension.

Je suis encore partagé sur le fait que ce soit une bonne ou une mauvaise idée (plus que mon collègue Matthias), mais d’un point de vue pragmatique, l’argent parle en défaveur du nouveau système, qui m’a rapporté exactement zéro depuis sa mise en œuvre.

La nouveauté dans le paysage, c’est l’apparition de Liberapay, qui est un service assez similaire à Flattr, mais basé sur une technologie open-source et qui, d’ailleurs, vise le milieu libriste. Liberapay permet des dons récurrents (aussi ponctuels, mais ce n’est pas le but), hebdomadaires, et à partir de €0.01.

Pour le moment, c’est sans conteste le service qui me ramène le plus de sous; il a connu d’ailleurs une soudaine poussée en popularité lorsque Patreon a changé ses frais de gestions – avant de se rétracter sous la pression.

Le troisième service, c’est le bon vieux bouton PayPal des familles. La plateforme de paiement a l’avantage d’être devenue quasiment ubiquitaire, mais ça reste un peu lourd et, surtout, niveau granularité, c’est difficile de faire des dons de l’ordre de moins de €1. La bonne nouvelle, c’est qu’il semble que, depuis 2016, la société se soit un peu calmée sur les blocages intempestifs parce que raisons.

Crypto-monnaies

Dans cette même catégorie, il y a aussi les crypto-monnaies, genre bitcoin et autres – qui, paraît-il, devraient plutôt s’appeler “crypto-devises”. Je suis encore très partagé sur leur réelle utilité et, surtout, sur la non-nocivité de leur impact environnemental et social. Je pense que ce n’est pas une mauvaise idée de laisser la possibilité à ceux qui en ont de vous faire des dons en crypto-monnaies, mais il y a d’autres moyens de le faire, ce n’est donc pas nécessaire.

Un petit mot au passage sur mon expérience personnelle: j’en avais acheté environ deux et demi, au printemps 2013, pour cent francs suisses. J’ai ensuite revendu un des bitcoins quand le cours est arrivé à cent francs, histoire de me dire que je n’avais rien perdu, au pire. Avec le solde, j’ai fait des dons, j’ai peut-être acheté un ou deux services (genre VPN) et c’est tout.

J’ai récemment fini par revendre à peu près tout mon solde de bitcoins, moins quelques millièmes, histoire d’avoir toujours un portefeuille, au cas où. Oui, ça m’a rapporté bonbon, mais je ne l’ai vraiment pas fait exprès. La vérité, c’est que je vois très peu de services qui acceptent des paiements en crypto-monnaies et comme, en plus, les cours ont tendance à avoir des variations assez dingues, c’est moyennement intéressant de vendre.

Les écosystèmes

Pressformore semble avoir définitivement disparu, Carrot végète (ouarf!). À mon avis, l’idée d’avoir des sites qui gèrent à la fois la lecture d’articles et la rémunération de ses auteurs est morte et enterrée. En soi, ce n’est pas une mauvaise idée, mais je crains qu’avec des architectures trop fermées, ça ne puisse pas fonctionner – à moins de s’appeler Facebook.

Mécénat participatif

Ces deux dernières années, les plateformes de mécénat participatif comme Tipeee (surtout en Europe: France, Allemagne, Italie et Espagne) et Patreon (plus américano-centré) sont clairement montées en puissance et on commencé à attirer pas mal d’acteurs de la création numérique. Dans les exemples de réussite, il y a Maliki, qui a explosé à peu près tous les scores, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

La vérité, c’est que, comme pour beaucoup de choses, ces services ne sont pas la “balle en argent” qui va résoudre d’un coup tous les problèmes et qui, de plus, fonctionnent immédiatement à fond de train. D’une part, la Deuxième loi de Doctorow, citée plus haut, marche à fond: il faut d’abord avoir une certaine notoriété. D’autre part, c’est un réseau qui s’entretient: les contreparties sont souvent importantes et il ne faut pas hésiter à communiquer.

Le concept de ces sites, c’est de présenter un projet, avec éventuellement des paliers (“si je gagne €100 par mois, je fais deux vidéos au lieu d’une”) et des contreparties (accès à des épisodes-bonus, une galerie de croquis ou des goodies exclusifs à partir d’un certain niveau de dons). Les dons peuvent être mensuels ou par livraison (avec une limite à une livraison par mois).

C’est clairement un outil prévu pour des créateurs qui ont l’intention de publier régulièrement: webcomics, podcasteurs, vidéastes, etc. Dans mon cas, j’étire un peu la définition en présentant mon blog comme une extension du projet Erdorin.

Comme mentionné précédemment, Patreon a connu des soucis suite à une déclaration malencontreuse: un changement de tarification qui aurait négativement impacté les petites contributions. Je ne sais pas combien de personnes ont quitté le service suite à cette annonce, mais la société a rapidement renoncé à ce changement. Cela dit, j’espère que ça va servir de coup de semonce pour certains créateurs et les inciter à diversifier leurs sources de financement.

Conclusion

Je ne voudrais pas vous forcer, mais si vous êtes un créateur qui publie sur Internet et que vous voulez gagner de l’argent avec vos créations, les solutions ne manquent pas. Mes derniers conseils sur ce point, c’est de ne pas hésiter à avoir plusieurs services et de ne pas négliger l’aspect promotionnel. Sollicitez vos fans, lecteurs, suivants et autres; soyez transparents, expliquez vos besoins et, si vous êtes aussi fou que moi, n’hésitez pas à faire des rapports sur ce que vous recevez (ou donnez).

D’une part, ça peut vous rapporter de l’argent et, d’autre part, plus il y aura de gens qui savent que c’est possible et même souhaitable, plus il y aura de personnes pour faire des dons – et plus vous en recevrez. Magique.

(OK, dit comme ça, ça ressemble un peu trop à la théorie du ruissellement…)

(Photo: “Tips are like hugs without all the touching” par Nan Palmero via Flickr, sous licence Creative Commons)

Pour soutenir Blog à part / Erdorin:

Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

13 réflexions au sujet de “Création de contenu et financement en 2018”

    • Comme mentionné, il faut que tu te fasses connaître en tant que créateur et que tu expliques aussi aux gens que 1) ils peuvent donner et 2) c’est important pour toi.

      Pas tous les jours non plus, mais une fois par mois, par exemple, ça peut aider. Genre, tu fais un bilan mensuel sur ce que tu as créé et ce que ça t’a rapporté. Un peu comme mes bilans mensuels, mais aussi axé création – chose que je devrais peut-être aussi rajouter, d’ailleurs.

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      • 1 – je crée peut être pas assez, après là où je suis assez frustré c’est d’avoir genre 400 abonnés youtube pour 0 dons, ça pique XD

        2 – j’ose pas trop car ça fait mendiant ^^ même si j’avoue que si je pouvais ne plus payer hébergement web ça m’arrangerait :p

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        • “Si vous voulez me soutenir, vous pouvez le faire via X, Y ou Z”. Ça prend trois secondes dans la vidéo et je te promets que ça ne fait pas mendiant du tout.

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          • marrant, justement un collègue m’a dit que ça faisait insistant, le lien tipee à la fin et que ça passerait mieux en lien dans la description mais à voir
            je découvre vraiment

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            • Il y a des gens qui vont de toute façon trouver ça too much, mais sérieusement, tant que tu ne te lances pas dans le couplet larmoyant du créateur incompris qui mange des ramen froids tous les soirs, ça devrait passer.

              Tu peux aussi envisager de faire une note de blog en expliquant ta démarche en disant quels sont tes frais.

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              • pas con du tout la note de blog ! ou alors un petit mot comme toi pour dire que la pub c’est mal et que les autres moyens de dons sont mieux lol
                j’ai le cerveau lent, juste pour la science sur mon blog perso j’ai mis de la pub pour voir régie google adsense => solde de 16.44€ ce qui est toujours mieux que ce que l’on ne me donne pas mais tant que j’atteinds pas 70 c’est de l’argent virtuel lol
                après perso si on me donne même un euro par mois, j’enlève la pub de suite , c’est pas tip top (même si pas trop intrusif)

  1. Article utile et intéressant ! J’en suis pas encore à demander des dons, mais je me pose une question quand même : pour le créateur comment se déclarent ces dons d’un point de vue fiscal ? Il s’agit d’un revenu, mais ce n’est pas en échange ni d’un service, ni d’un produit, puisque c’est un don de soutien.

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      • De rien et merci pour l’accueil !

        Pour tipeee j’avais déjà lu leurs conseils à ce sujet. En fait je me pose plutôt la question pour un site comme Liberapay où là on est dans du don pur et dur sans contrepartie et avec des montants très légers. Malheureusement le site ne donne pas plus d’informations et conseille de se renseigner auprès des administrations fiscales de son pays.

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