Ce n’est pas la première fois que je finis une lecture en étant perplexe, mais le cas de Blanche-Neige et les lance-missiles, signé Catherine Dufour, ma perplexitude atteint des niveaux himalayens.
À l’origine, Blanche-Neige et les lance-missiles était le premier d’une tétralogie, intitulée Quand les Dieux buvaient, mais dans mon cas, il s’agit de son édition au Livre de Poche, regroupant les deux premiers romans. Ce qui, à vrai dire, n’aide pas.
Au départ, on a Aurore, la Belle au Bois Dormant (de la famille Dubois-Dormant) qui se réveille après un siècle et le doux baiser du Prince Charmant. Ledit Prince est en fait un démon déguisé, qui prend feu au moment de rentrer dans l’église pour le mariage et incendie tout le château au passage, laissant Aurore quelque peu seule (et sentant la fumée).
Après, ça dérape.
OK, on est donc dans le domaine du pastiche de contes de fée, avec Blanche-Neige en tyran mégalomane, Aurore et Peau d’Âne à la colle, Cendrillon dans le cercueil de verre à la place de Blanche-Neige et un (autre) Prince Charmant reconverti en druide. Se greffe là-dessus les manigances d’un défunt génial et vengeur, qui veut détruire le Ciel, l’Enfer et le Purgatoire en prime.
Mais ça, c’est la première partie. Dans la deuxième, baptisée L’Ivresse des providers, on se retrouve dans notre monde (à un modem près), avec les fées qui tapinent au Bois de Boulogne, les démons qui se planquent dans les caves des cybercafés, l’Ankou qui sème sa crème et les défunts qui se sont fait une nouvelle non-vie sur le web.
De son propre aveu, l’autrice a écrit Blanche-Neige et les lance-missiles en une semaine (puis a passé un an à le corriger), après avoir lu du Terry Pratchett. Ça ne m’étonne pas vraiment: c’est assez typiquement ce qui peut sortir d’une séance d’écriture en mode full-YOLO. Je le sais, j’ai testé et c’est un exercice que je ne recommande pas forcément pour du texte au long cours.
En résumé, ça va très loin dans le nawak. Comme dans “trop”, donc. En plus, Catherine Dufour adopte souvent, dans les scènes d’action, un découpage qui saute rapidement d’un personnage à l’autre. Ça fait très “montage nerveux pour film d’action”, mais en roman (et aussi un peu au cinéma, d’ailleurs) ça donne vite mal à la tête.
Malgré tout cela, je ne peux pas être complètement négatif sur ce bouquin. D’abord, parce que ce n’est pas le genre de la maison (il y a des exceptions, mais je préfère qu’elles restent rares), mais également parce que n’ai beaucoup ri. Il faut dire que Catherine Dufour a un don particulier pour les tournures de phrases qui font mouche, les jeux de mots calamiteux et les situations décalées. Un peu tout ce que j’aime, quoi.
Au final, j’arrive au paradoxe que Blanche-Neige et les lance-missiles est un livre que je n’ai pas trouvé bon, mais dont j’ai apprécié la lecture. Vous comprenez mieux ma perplexitude?
D’autres avis chez Nébal, chez Valunivers, chez Nirrita, (EDIT) chez Thias et sur Psychovision, entre autres.
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Le coup du : Le récit pèche trop pour être appréciable, mais par contre, comment il a été raconté, ça me botte, c’est un truc que je connais assez en cinéma. En littérature, je dois dire que je décroche de suite : si je ne m’amuse pas, je ne lis pas, sauf si je suis payée.
Je l’ai lu il y a quelques années déjà. Note : je suis très fan de Pratchett, qui est pour moi le Dickens de notre temps : un commentateur social acerbe.
J’avais eu un mal fou avec la première partie. La deuxième m’a un peu plus amusé… mais c’était laborieux. La fantasy française est souvent meilleure sous forme de nouvelle.
Un de ses autres bouquins que j’ai lu avait pompé pas mal de trucs sur Pratchett, notamment des personnages ou des lieux. Mais ça s’est arrêté là parce que le reste donnait plutôt envie de pleurer.
c’est vrai qu’avec un tel titre, je me serais laissé tenter…Le pastiche s’arrête là où l’abus de pastis commence :p
Je pense que ce n’est pas un hasard si le titre de la saga est “Quand les dieux buvaient”. 😉