La société pollen, redux

Or donc, cette “société pollen” dont parle L’abeille et l’économiste, c’est quoi au juste? À vrai dire, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais je vais essayer de vous résumer le bazar à la louche.

L’idée générale est que l’économie est en train de muter à grande vitesse vers un système où l’immatériel prend de plus en plus de place. L’immatériel, ce sont les biens culturels, les connaissances et les liens sociaux, entre autres chose. Vous me direz que c’est déjà le cas depuis un moment, mais ce qui change est qu’on est en train de sortir d’un état d’esprit basé sur des ressources matérielles infinies. Il n’y a pas de planète B et ça change tout.

Le problème est que le capitalisme tel qui se définit de nos jours est encore très fortement basé sur l’idée d’une économie matérielle forte. La théorie de Yann Moulier Boutang est qu’il faut adapter l’économie à ce qu’il appelle la pollinisation et qu’on pourrait appeler la libre-circulation des idées. S’il utilise la métaphore des abeilles, ce n’est pas pour prôner une société-ruche, mais pour mettre l’accent sur la fonction de pollinisation des abeilles, qui a un beaucoup plus grand impact économique que la production de cire ou de miel. Et aussi parce que c’est une activité aussi primordiale que fragile.

Sa théorie est évidemment un chouïa plus complexe que ce que j’expose ici. Un de ses aspects les plus malins est qu’elle a beau être radicale par pas mal de côtés, elle n’est pas révolutionnaire, du style pendre le dernier patron avec les tripes du dernier banquier. Ce qui est assez heureux, parce que je ne suis pas sûr qu’elles soient assez solides pour ça. L’idée est de convaincre le monde de la finance qu’il est dans son intérêt dans le long terme de privilégier des projets moins rentables, mais plus durables.

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“L’abeille et l’économiste”, de Yann Moulier Boutang

Je vous avais promis, dans un précédent article sur la « société pollen », plus de détails sur L’abeille et l’économiste, le livre de Yann Moulier Boutang qui en était à l’origine. Ayant fini par lire le bouquin en question, je ne suis pas sûr d’arriver à rendre le propos plus clair; c’est peut-être dû au fait que je l’ai lu dans un train bondé entre Milan et Genève, notez.

C’est assez frustrant: d’un côté, je soupçonne que le concept d’une économie basée sur les réseaux et les échanges d’idées est, sinon révolutionnaire, du moins intéressante, d’un autre ce livre ne fait pas grand-chose pour exposer clairement son idée première. À commencer par une première moitié quasi-exclusivement consacrée à l’actuelle crise financière, sa vie, son œuvre. Alors oui, c’est important, mais au point de remplir la moitié des pages? Un ou deux chapitres et une palanquée de références (que personne n’aurait lues) auraient suffi.

Il est cela dit fort possible que je ne sois pas le public-cible, mais je trouve qu’avec un tel titre, on ne voit pas beaucoup les abeilles. Ou alors, quand on les voit, on les voit trop. Une fois lancé, l’auteur abuse de sa métaphore – à comencer par l’interminable fable de l’avant-propos. Et c’est vraiment dommage, parce qu’au moment où on arrive à la substantifique moëlle, l’auteur semble comme à bout de souffle. Alors que, de mon point de vue, la vision de cette nouvelle économie aurait mérité une place centrale, elle arrive comme une conclusion, limite prophétique.

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