Une constitution urbaine pour Genève

J’aime bien les études d’urbanisme, surtout celles qui concernent Genève: ça me titille la fibre science-fictionnesque de voir les projections sur l’avenir des villes en général et de la mienne en particulier. C’est pourquoi j’ai été particulièrement intéressé par l’étude GVA cube, dont le quotidien Le Temps s’était fait l’écho la semaine passée.

En très gros et en très résumé, elle pose une augmentation de 100 000 habitants sur les vingt prochaines années et propose trois actions concrètes: la densification de la proche “couronne” autour du centre-ville, la densification de la région entre Cointrin (l’aéroport) et Cornavin (la gare) et le développement d’une véritable ceinture de transports publics et privés.

Ce qui m’étonne, c’est le peu d’écho que cette étude semble avoir eue: je n’ai trouvé aucun article, ni dans le Tribune de Genève, ce qui ne m’étonne à moitié, ni dans le Courier, ce qui m’étonne un peu plus. Qui plus est, l’expo qui la présente dure moins d’une semaine et se résume à un diaporama monté en graine dans une unique salle du Kiosque des Bastions.

C’est dommage, parce que malgré ses défauts, l’étude donne des pistes très intéressantes pour le développement de la ville (surtout) et du canton. La traversée de la rade, par exemple, serpent de mer (ou plutôt de lac) qui hante la politique genevoise depuis plus de quarante ans. Ou le développement du secteur Praille-Acacias-Vernets, dont on parle beaucoup ces temps et qui va être sérieusement mis en valeur par la construction du CEVA.

Ce que je reprocherais surtout à cette étude, c’est une approche très technocratique du problème, avec un abus de solutions à base de gros bon sens qui ressemblent à des fausses bonnes idées. C’est vrai qu’il est très rationnel de penser résoudre le problème du logement à Genève en flinguant les zones villas qui sont à moins de 4 km du centre ville; penser que cela va améliorer la qualité de vie est à mi-chemin entre la méthode Coué, la naïveté et le foutage de gueule pur et simple.

D’autres que moi ont relevé que l’étude ne se concentre que sur la ville elle-même — allant même jusqu’à proposer un partage en deux demi-cantons, Genève-ville et Genève-campagne, comme à Bâle — mais en ignorant allègrement les raisons historiques de cette scission. Il y a aussi l’idée de regrouper le gros des activités ferroviaires (Poste, CFF Cargo, etc.) à Cointrin pour libérer de l’espace au centre-ville, ce qui serait une bonne idée si on avait la moindre piste d’où placer toutes ses infrastructures lourdes autour d’un secteur de l’aéroport déjà passablement chargé.

Reste à savoir ce qui va au final sortir de cette étude; personnellement, j’y vois un joli catalogue de bonnes intentions, dont deux bons tiers ne passeraient pas le coin de la rue si on tentait de les mettre en application. Mais bon, dans ce genre de cas, un tiers d’idée réalisable, ce n’est déjà pas si mal.

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3 réflexions au sujet de “Une constitution urbaine pour Genève”

  1. Je ne pense pas que supprimer les zones villa soit une si mauvaise idée. Ces zones sont largement une aberration du XXe siècle. Écologiquement, cette miriade de petits jardins stériles avec leur tondeuses à gazon sont une catastrophe, et augmenter la densité est la meilleure manière d’économiser de l’énergie en transport et en chauffage (ce qui représente une grosse part de la consommation d’énergie en Suisse). Il faut une certaine densité pour que les transport public fonctionnent et les zones villas ne l’atteignent pas.
    En plus, je ne suis pas convaincu qu’augmenter la densité implique une dégradation de la qualité de vie. La manière actuelle dont est utilisé l’espace urbain est médiocre, beaucoup de constructions sont au niveau de la rue, ou à ciel découvert, alors que cela n’est pas nécessaire: routes, places de parc, gros commerces qui n’ont pas de fenêtres.

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    • Je n’en suis pas persuadé non plus, mais j’ai un a priori négatif sur cette question. Sans doute un reste de petite-bourgeoisie qui rêve encore à son pavillon avec jardin…

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  2. Bah, d’un œil de géographe, j’y vois surtout un travail très très basique. Augmenter le suburbain, cracher sur le périurbain, densifier vers les infrastructures de transport. Disons que ceci ne va ni inventer l’eau tiède, ni être appliqué tel quel, mais ça fait partie des règles du jeu de l’urbanisme.
    Au final, il faut voir que le géographe possède une solide formation théorique, une envie de bien faire, une dent contre la villa individuelle et tout ce qui n’est pas écologique en général (non, le géographe moyen du XXième siècle n’aimerai pas l’architecture atlano-eyldarine…) mais qu’il est bloqué par des limites juridiques, des éléments bâtis, les politiciens en place, bref que son impact est somme toute limité.
    Il n’empêche qu’il est toujours passionnant de se plonger dans les projets d’urbanismes, même si il faut reconnaître que les non suisses ont souvent des idées passablement plus originales (en encore moins appliquées, à moins d’un pouvoir politique influençable et puissant, qui à dit Singapour et Dubaï?)

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