« Technologies partout, démocratie nulle part », de Yaël Benayoun et Irénée Regnauld

Avec un titre comme Technologies partout, démocratie nulle part, on peut se douter que cet essai signé par Yaël Benayoun et Irénée Regnauld ne jette pas un regard complaisant sur ces dernières années. C’est compréhensible.

Cela fait un petit moment que je suis le blog d’Irénée Regnauld, Mais où va le web? Même sans cela, je pense que je me serais intéressé à cet ouvrage, réalisé avec Yaël Benayoun, Tous deux sont diplômés ès sciences sociales et/ou politiques et ils ont fondé Le Mouton numérique, une des associations françaises qui observe et décrypte les politiques sur les nouvelles technologies.

Je pense que je ne surprendrai personne si je dit que cet ouvrage dresse un portrait brutal de la situation actuelle. Là encore, c’est dans le titre. Plus encore avec un sous-titre qui affirme « Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous ».

Dans un premier temps, l’ouvrage met en lumière laquelle tendance lourde actuelle, qui consiste à répondre à des problèmes de société avec des solutions technologiques. Il explique ensuite pourquoi c’est non seulement une mauvaise idée, mais c’est même carrément la mauvaise question. Enfin, il dessine quelques pistes pour se sortir de ce paradigme. Spoiler: ça ne va pas être facile.

Le souci, c’est qu’un peu tout le monde pousse dans cette direction. D’abord, les politiques, qui aiment bien les solutions simples à des problèmes complexes (surtout si c’est clinquant). Ensuite, les entreprises, trop contentes de vendre leur came. Enfin, le grand public qui est baladé par le double aiguillon de la peur et de l’attrait du neuf.

L’ouvrage montre bien qu’au final, ce « solutionnisme » technologique est une véritable perte de contrôle pour les citoyens. La course en avant technologique est vue comme inéluctable (selon le bon vieux principe TINA, There Is No Alternative, popularisé par Margaret Thatcher), les opposants sont qualifiés « d’amishs », c’est « le nucléaire ou la bougie », etc.

D’une part, tout est fait pour faire croire qu’il n’y a pas de choix et, une fois les technologies en question en place, le choix disparaît de lui-même.

Technologies partout, démocratie nulle part est là pour nous rappeler que rien de tout ça n’est inéluctable. Au contraire, alors que notre civilisation va au-devant de crises à côté desquelles l’actuelle pandémie risque de passer pour une aimable plaisanterie, il est nécessaire de se poser les bonnes questions.

On peut se demander si les technologies révolutionnaires promises (reconnaissance faciale, drones, objets connectés, 5G, etc.) sont souhaitable. En fait, on doit surtout de demander si le « progrès » (et son pendant moderne, « l’innovation ») n’est pas une fuite mortifère en avant dans un monde de rareté.

À tous ceux qui se posent l’une ou l’autre de ces questions, je recommande chaudement la lecture de Technologies partout, démocratie nulle part. Si on souhaite que le « monde d’après » ne ressemble pas à un cauchemar technocratique, c’est une lecture qui est à la fois salutaire et accessible – 240 pages seulement.

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