Pourquoi on a encore besoin de chartes

Récemment, je suis tombé sur un Code de respect et de responsabilité, une sorte de charte de bonne conduite, sur le thème du respect de la diversité (page en anglais, mais le texte du code est disponible en français). Si elle a été lancée par la SAZ, une association allemande de créateurs de jeux, plutôt orientés jeu de plateau, la plupart de ses éléments peuvent aisément s’appliquer aux jeu de rôle.

Quand j’ai partagé le texte, j’ai eu droit à un certain nombre de commentaires négatifs. Souvent des réactions plus instinctives que réfléchies, et que je sentais nourries, consciemment ou non, au « onpeupluriendire » qui est dans l’air du temps.

Le fait que les tenants du « onpeupluriendire » ont tendance à le répéter en boucle sur une masse de réseaux devrait normalement suffire à disqualifier le concept, mais visiblement cet aspect de la réflexion (voire la réflexion tout court) est beaucoup moins populaire. Passons.

Si j’ai partagé le texte, c’est parce que je le trouve intéressant dans ce qu’il dit, mais aussi dans ce qu’il sous-entend. Pour beaucoup, ce sont des règles qui tombent sous le sens. « Ça va sans dire ». Certes. Mais alors, pourquoi le fait de le dire semble tant déranger?

Peut-être parce qu’on est en train de se rendre compte que toutes ces idées qui « vont sans dire » – l’antiracisme, le respect des diversités multiples – on a tendance à ne les prendre pour acquise seulement parce qu’on est du « bon » côté de la barrière sociale.

Quand on ne fait pas partie d’une population qui a à subir de l’oppression – sous quelque forme que ce soit – à cause de ce qu’elle est, il est facile de ne pas voir cette oppression. D’autant qu’elle peut être subtile: discriminations à l’embauche, blagues diverses, regards en coin, partis pris, etc.

Du coup, pour moi, ces « chartes de bonne conduite » qui fleurissent ne sont pas tant des règles à suivre (même si ça ne peut pas vraiment faire de mal), mais plus un rappel qu’il existe encore une blinde de discriminations et que ce n’est pas parce quant ne les voit pas (ou plus) qu’elles n’existent pas (ou plus).

Quant à l’argument que ça va brider la créativité… comment dire? D’une part, en tant qu’auteur de jeu, je ne vois pas en quoi cette charte me limiterait. Au contraire, comme mentionné, ça m’oblige à m’interroger sur ce que j’écris, sur mes propres partis pris et autres angles morts.

D’autre part, si on prend la charte des auteurs de jeux citée plus haut, rien n’y empêche de parler de racisme, de sexisme ou de discriminations. Il y a cependant une différence entre en parler et en faire l’apologie (ou conforter des stéréotypes nauséabonds).

Le seul danger de ce genre de chartes vient de leurs adversaires: les réactionnaires de tout poil et le tenants de la « pureté militante ». Autant dire des franges – bruyantes, certes, mais pas vraiment intéressantes et rarement créatrices elles-mêmes.

Alors non, je ne signerai pas la charte en question, mais je suis content de l’avoir lue et de l’avoir partagé.

Photo: Eleanor Roosevelt avec la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, New York, 1949. Photo: UN, sous licence Creative Commons (CC-BY-SA-NC)

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3 réflexions au sujet de “Pourquoi on a encore besoin de chartes”

  1. Nous avons une charte du bien vivre ensemble au boulot. Je pense que certains devraient simplement la lire une fois et se poser des questions ensuite. j’ai un collègue qui a vomi par une fenêtre et a quitter le boulot comme ça, sans rien nettoyer, ni même le signaler, classe ! Ce qui est terrible c’est que l’on soit obligé de rédiger des chartes pour rappeler aux gens comment se comporter en société.

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    • Ça me rappelle un truc que j’avais appris en cours d’histoire, la raison pour laquelle tous les dix ans, on voyait repopper les mêmes lois dans les archives (celles du Consistoire, la “police des mœurs” de la fort calviniste Genève du XVIIe siècle).

      C’est simplement que personne ne les respectaient.

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