Pour Winry

De même qu’il y a des journées qu’on n’a pas envie de vivre, il y a des articles qu’on n’a pas envie d’écrire. Ce soir (au moment où j’écris ces lignes), notre petite minette, Winry, s’est endormie pour la dernière fois.

Officiellement nommée Dulcinée, Winry, dite Kilala, Pestouille, Crapulette ou plus simplement Minette, était une persane tabby blue point avec un pedigree long comme le bras.

En fait, il y avait beaucoup de choses dans ce chat qui était plus grands que son format de crevette à poils longs: le volume sonore qu’elle était capable de dégager, en miaulements comme en ronronnements et son sale caractère, pour ne citer que cela.

C’est la première de nos chats qui soit arrivée chez nous en tant que chaton, il y a un peu plus de seize ans. Et sans aller jusqu’à l’image des chats à neuf vies, Winry en a aligné quelques-unes.

À l’origine, c’est feu la maman de ma dame qui nous l’a offerte. La première fois que nous l’avons vue, chez l’éleveuse, le temps qu’elle nous dise qu’elle n’aimait pas être brossée, ce petit machin de deux mois à peine tentait de s’enfuir en remontant des escaliers à une vitesse impressionnante. C’était un signe.

Le souci des persans, et plus précisément de ce modèle, c’est que leur pelage a tendance à feutrer. On avait coutume de dire que, rien qu’en la regardant, elle faisait des nœuds. Du coup, ça impliquait des visites fréquentes au toilettage. Elle détestait ça.

Et ne croyez pas qu’elle se calmait avec l’âge: elle était capable de passer de « vieux machin arthritique » à « tronçonneuse vivante » en l’espace de deux coups de peigne. D’ailleurs, samedi passé, elle m’a mordu.

Dans l’appartement, elle a vécu une vie de chat-coussin, à l’ombre de Caramel. J’avais surnommé le duo « Placide et Absence-de-Muzo » (parce que j’ai des références de vieux). Elle sortait rarement – sauf quand elle tombait de la fenêtre – et était du genre « petite chose curieuse, mais craintive ».

Puis nous avons déménagé à Laconnex, dans une villa avec un jardin, et elle a découvert le Grand Extérieur. Bon, elle n’est jamais allé bien loin; d’abord parce qu’on ne la laissait pas trop vagabonder à son aise, mais aussi parce que j’ai l’impression qu’au-delà de la nouveauté, ça ne l’intéressait pas tant que ça.

Elle s’est aussi découvert un instinct ultra-territorial, du genre à attaquer les chats des voisins qui tentaient de s’insinuer en scred dans la maison.

Ça ne s’est pas arrangé après la mort de Caramel, où elle a eu pendant quelques temps la maison pour elle toute seule, ou presque. Il y avait bien le chat de Sherrie, notre locataire de l’époque, mais ses rares incursions hors de sa chambre se sont soldées par des courses-poursuites un chouïa brutales.

Et ça ne s’est pas du tout arrangé avec l’arrivée des Rascals. La présentation entre les deux chatons et la déjà vieille s’est terminée par deux chatons terrorisées, coursés par une vénérable furie. Pour reprendre une terminologie venue en droite ligne de La folie des grandeurs, on est passé de « Reine d’Espagne » (elle est belle, mais elle est bête) à « La Duègne ».

Là, par contre, l’âge a fait évoluer les choses. Mais pas tant celui de Winry que celui des Rascals, qui ont rapidement atteint deux à trois fois son gabarit. Elle a dû s’y faire.

Vous pouvez ajouter aux trucs qui étaient plus grands qu’elle la taille du trou qu’elle va laisser dans nos existences.

Dors bien ma minette.

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8 réflexions au sujet de “Pour Winry”

    • Au vu de ses habitudes, je ne serais pas étonné qu’elle descende en enfer pour aller dormir à côté de la chaudière.

      (Et bolosser les chiens de l’enfer, au passage.)

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  1. 16 ans c’est un bel âge de chat.
    Condoléances, forte compassion et câlin virtuel.

    Bon, ils sont où ces ninjas coupeurs d’oignons ? j’ai les yeux en sueur là…

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  2. On ne se remet jamais vraiment de la perte d’un être cher, car ils restent autour de nous par souvenirs, objets, lieux surtout si on ne déménage pas.
    Elle a eu une belle vie de chat dans ce que tu racontes, loin des clichés des persans à pédigrée. Et tu lui rends ici un bel hommage

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    • Merci. J’ajouterais même que je n’ai pas forcément envie de “m’en remettre”; elle a fait partie de nos vies et elle fera encore partie de nos souvenirs – du moins tant que nous serons en état d’en avoir.

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  3. Je vous offre toutes mes sympathies. C’est une belle éloge très touchante, j’y ressens tout l’amour que Winry a inspiré et reçu durant ses seize années de vie de chat !

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