“L’Usage du monde”, de Nicolas Bouvier

Les carnets de voyage de Nicolas Bouvier (mais je vous conseille de lire plutôt la version anglaise de la page, bien plus complète), dont L’Usage du monde est la première partie, entraient jusqu’à peu dans l’immense catégorie, dite des “classiques que je n’ai pas lu”.

Contrairement à la grande majorité des ouvrages qui s’y trouvent, ils avaient une particularité: j’avais envie de les lire (et le fait que l’auteur soit né à moins de trois kilomètres de chez moi n’a aucun rapport). Je l’ai donc piqué sans la moindre vergogne à notre Fulgan national.

Je ne sais pas si je m’attendais à quelque chose de particulier, mais c’est un livre qui m’a pris par surprise. Nicolas Bouvier, qui y décrit le voyage qu’il accomplit avec son ami peintre Thierry Vernet, entre Zagreb et le Khyber Pass (à la frontière afghano-indienne) durant les années 1953-1954, parle peu de lieux et beaucoup plus des rencontres. C’est sans doute ce qui rend le livre aussi prenant, tant dans sa forme que dans son fond.

La première chose qui m’a frappé, c’est la truculence de l’écriture: L’Usage du monde décrit les détails de la vie du peuple de ces contrées parfois proches, mais déjà inexorablement exotiques – même ses aventures balkaniques semblent surréalistes. C’est le deuxième point fort du livre.

Les deux voyageurs et leur Fiat Topolino, en vrais “routards” avant la lettre (je soupçonne que si les beatniks américains avaient Jack Kerouac, les babas qui se lançaient dans Paris-Kathmandu dans les années 70 devaient être nourris par L’Usage du monde), ont peu de moyens et vivent au plus près de peuples qu’on a du mal à imaginer, même avec quelques milliers de kilomètres et un demi-siècle d’écart.

Que ce soit les rites d’hospitalité, les petites magouilles des édiles locaux, les rencontres impromptues dans les auberges (sans parler de cet aubergiste qui met un tronc d’arbre en travers de la route pour pousser les voyageurs à venir se restaurer chez lui), le peuple des rues, les villages tribaux, les réparations à coups de marteau et autres descentes de cols à tombeau ouvert, il y a là mille images fortes.

Amis auteurs (et amateurs) de science-fiction – et rôlistes de tout poil – lisez L’Usage du monde! Vous n’y trouverez pas beaucoup plus extra-terrestres que les Terriens de Belgrade, Tabriz ou Quetta. Cet ouvrage est un grand bol d’air frais, une lucarne vers un monde dont, avec tous les bouleversements de ces vingt-dernières années, il est difficile de savoir s’il existe encore ou pas. Un voyage de Schrödinger, en quelque sorte…

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