“Les jours heureux”

L’ouvrage, chroniqué par mes hebdomadaires subversifs habituels, m’avait déjà titillé la fibre gauchiste, mais c’est le billet d’un lecteur qui m’a convaincu de commander et de lire Les jours heureux, ouvrage collectif signé par le collectif « Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui ». Que cache donc ce titre au parfum vieillot? Le sous-titre est plus explicite: “Le programme du Conseil national de la Résistance de mars 1944: comment il a été écrit et mis en œuvre, et comme Sarkozy en accélère la démolition.”

Les plus attentifs d’entre vous auront noté la date. Les jours heureux est un texte qui a été écrit alors que la France métropolitaine était encore entièrement occupée, de longs mois avant le Débarquement en Normandie. Ce n’est pas le côté le plus étonnant de cet texte, qui figure dans son intégralité dans l’ouvrage; au reste, ce n’est pas un long texte: une douzaine de pages. Le premier point, c’est qu’il a bel et bien été appliqué après guerre, sinon dans son intégralité, du moins dans les grandes lignes. Et que la France lui doit la plupart des avancées sociales du XXe siècle: retraites, services publics, Sécurité sociale, etc.

La premier tiers de l’ouvrage est consacrée à ce texte, à sa genèse et à sa mise en application. Rien que ça, c’est un film d’aventure. Quelqu’un qui écrirait un tel scénario – un groupe de partisans qui rédige, en pleine occupation ennemie, un texte qui devient une quasi-constitution après-guerre – se ferait renvoyer à ses chères études.

Le deuxième tiers est consacré à l’évolution des différents champs couverts par programme de la CNR au cours du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Comme le livre est un ouvrage collectif, plusieurs auteurs se succèdent pour décrire les changements, les réformes et démolitions successives subies par les réformes initiales. Même si cette partie est très intéressante, je trouve que c’est un peu le point faible du bouquin à cause de sa structure: comme on a un auteur différent à chaque chapitre, on n’évite pas les redites.

En soi, ce n’est pas un mal: de la répétition naît l’apprentissage. Sauf que là, à force de lire que les patrons étaient tous d’infâmes collabos (ou peu s’en faut) et que le Medef est leur digne héritier dans le simili-fascisme anti-prolétaire, je commence à penser que les auteurs sont un peu trop sur leur truc. Que ce soit vrai ou non est, à ce stade, un détail. À la longue, ça devient lourdingue. Tiens, d’ailleurs, dans les auteurs, on retrouve un certain François Ruffin dont j’avais déjà souligné l’aspect pamphlétaire précédemment.

Le dernier tiers du livre est consacré à la période Sarkozy et à la résistance qui s’organise contre ce qui apparaît comme une entreprise de démolition en règle du programme de 1944. Bon, à vrai dire, le Sarko, il vient un peu après la bataille, mais il compense en y mettant du cœur à l’ouvrage. La résistance, elle, prend sa source au même endroit que le texte originel: la Résistance, celle avec un grand R. Et, notamment, le plateau des Glières, là où le candidat Sarkozy vient régulièrement faire un “pélerinage”, ce qui agace passablement les survivants de ce haut lieu.

Mis à part mes râlaisons anti-pamphlétaires, je dois recommander la lecture de ce bouquin. Le côté anti-sarkozien primaire est certes toujours aussi plaisant, mais je crois que le cœur de l’ouvrage est bien plus dans le programme lui-même. Les jours heureux est un des rares exemples contemporains d’utopie qui a fonctionné – jusqu’à ce que des petits malins commencent à la mettre en pièce. Une bonne piqûre de rappel à tous les pseudo-pragmatiques venue d’une époque bien plus politisée sans que ce soit une mauvaise chose.

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