Deyss: Vision in the Dark

Ça faisait un moment que j’avais envie de réactiver ma section Cabinet des Curiosités pour vous parler de Deyss, et plus précisément de Vision in the Dark. Après le concert de Galaad et le nouvel album de Clepsydra, pourquoi ne pas continuer sur la lancée « prog suisse »?

Deyss est donc un groupe suisse qui, dans les années huitante, a produit deux albums de néo-prog – enfin, un EP, At King, et cet album, qui date de 1987. Le groupe a également sorti un « best-of », For Your Eyes Only (avec un inédit) en 1992, ainsi qu’un nouvel album en 2000, The Dragonfly from the Sun. Mais à vrai dire, je ne connais d’eux que cet album.

Je n’ai pas réussi à trouver beaucoup plus d’informations biographiques que celles qui se trouvent sur ProgArchives; il me semble que le groupe était originaire de la Riviera vaudoise, entre Lausanne et Montreux, mais je n’en suis pas certain.

Et, quand je parle de néo-prog, il faut comprendre « Marillion », parce qu’honnêtement, ça ressemble beaucoup à ce que faisait le groupe britannique au tout début de sa carrière (période Script for a Jester’s Tears, voire avant).

Quand j’ai acheté Vision in the Dark, à l’époque, il venait sous la forme d’un double-vinyle, mais avec seulement trois faces. La face B du deuxième disque est lisse – et l’autre comporte le seul morceau-titre, de près de dix-huit minutes. Les six autres titres font entre trois et neuf minutes et l’album dure un peu moins d’une heure au total.

À l’époque où je suivais beaucoup l’activité du site ProgArchives, je voyais régulièrement passer des critiques incendiaires sur Deyss en général et sur Vision in the Dark en particulier. Ça s’est un peu calmé depuis.

Je peux comprendre. Objectivement, Deyss sonne comme un énième clone de Genesis et/ou de Marillion – je veux dire, même le chanteur (qui a souvent tendance à trop monter dans les aigus) avait pris comme surnom « Jester ».

De plus, Vision in the Dark a été produit avec des moyens que l’on imagine assez réduits. En clair (ou pas), la production est un peu crapoteuse (voire, comme me le suggère mon correcteur, crapuleuse). Encore que l’écoute de groupes de black-metal m’a sans doute faire réviser mes standards en matière de mix: ici, les musiciens sont audibles, c’est juste que l’ensemble manque de dynamisme.

Dit comme ça, ce n’est pas très enthousiasmant. Pourtant…

Pourtant, il y a quelque chose dans cet album. Déjà, une ambition certaine: un album d’une heure avec une piste de dix-huit minutes, il faut oser. Et sans aller jusqu’à dire que Deyss avait les moyens de ses ambitions, ça ne tape pas loin non plus.

Vision in the Dark est peut-être truffé de défauts et de maladresses, mais il faut reconnaître qu’il y a également de vraies merveilles dans cet album. D’une part, des compositions enthousiastes et complexes et, d’autre part, des musiciens qui savent placer des mélodies qui tapent juste, avec notamment des parties de claviers très réussies.

Après l’instrumental « Passage », l’album commence par « Take Yourself Back », quelque part entre Marillion et IQ. « Chained Human » est un des morceaux qui me plaît le moins sur l’album, trop lent.

Mais Deyss se rattrape avec le diptyque « Untouchable Ghost » / « The Crazy Life of Mister Tale » et son enchaînement de folie, qui évoque « The Cinema Show » de Genesis.

Suivent deux morceaux sympas, mais un peu inégaux, « Fifteen Century Fox » et « Last Chance Flight ». Et c’est enfin l’epic quasi-instrumental « Vision in the Dark », qui conclut l’album. À noter que la disposition des pistes est différente entre la version vinyle et CD.

Réécouter cet album en 2020, soit 33 ans après sa sortie, c’est d’une part mesurer le chemin qu’a parcouru le prog en général et les autoproductions en particulier, mais d’autre part se rendre compte que même avec des moyens réduits, il y avait des groupes qui y croyaient.

Pour moi qui écoute du prog depuis plus de quarante ans, je trouve – « je retrouve » serait plus juste – dans ce Vision in the Dark des qualités qui manquent peut-être à certaines formations plus récentes. Notamment un côté lumineux, enthousiaste – une certaine forme de naïveté, peut-être.

Alors, certes, il faut être un peu indulgent. Le rock progressif est un genre qui demande souvent la perfection pour se révéler pleinement et Vision in the Dark est un album qui est loin d’être parfait. Mais si on sait regarder au-delà, on peut y trouver des pépites.

Un de mes plus gros regrets est que je n’ai jamais pu voir Deyss en concert. À l’époque où j’étais bénévole à Satellite, je crois me souvenir que j’avais essayé de les faire venir, sans succès. Aujourd’hui, je me demande ce que sont devenus les musiciens. Suis-je la dernière personne à encore me rappeler de Deyss?

L’album est disponible en numérique chez les suspects habituels, mais il est encore possible de trouver des versions physique, en CD – voire en vinyle, si vous aimez les curiosités.

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8 réflexions au sujet de “Deyss: Vision in the Dark”

  1. Hello Stéphane,,

    Merci pour ce clin d’oeuil à notre 2ème album. Non heureusement tu n’es pas le seul à se rappeler de Deyss…Pour remettre un peu l’église au milieu du Village, Marillion n’existait pas encore lorsque nous avions déjà plusieurs répertoires à notre actif depuis 1978 et l’un d’eux le prouve avec notre Album rétrospect “Dragonfly from the Sun”.

    Nous avons grandis avec la vague Prog des 70’s et malheureusement “Vision in the Dark” est sortit dans la mauvaise décennie…et comme tu le dis très justement entièrement produit par nos soins avec les moyens du bord et du moment, mais même une major comme CBS n’avait jamais encore vu un produit fini sous cette forme là…Il reste ce qu’il est, mais je n’ose pas imaginer, comme pour notre premier album “At King”, si nous avions pu avoir les musiciens du niveau de nos ambitions….

    En fait Deyss a eu plusieurs vies…la première de 1978 à 1989, ensuite le groupe à continué après le Best of “For your eyes only” uniquement à 2 musiciens, le compositeur Giustino Salvati et moi même.

    De 1990 à 1998 nous avons passés 8 ans à composer l’album de nos rêves, l’album que personne n’avait encore réalisé ou même rêvé…et ceci est la deuxième vie du groupe…plus de concerts, mais des milliers de répétitions, d’auditions, et de suivis avec plusieurs artistes peintres, dessinateurs, graphistes ou autres… résultats la pochette à elle seule a pris 5 ans et 5 artistes pour être réalisée…

    Nous nous sommes lancés sans le savoir dans un projet énorme, un projet unique sous toutes ses formes, dans la longueur, la grandeur et la beauté musicale, un espèce de Peplum musical.

    Heureusement cet album est intemporel, il aurait du sortir au début des années 2000, pour plusieurs raisons, mais avant tout techniques, nous avons du Giustino et moi interrompre l’enregistrement et ainsi commence pour nous 2 la 3ème vie de Deyss.

    Dépassé par l’énormité du projet, mais malheureusement aussi rattrapé par les aléas de la vie et les années qui passent, le projet n’a jamais été oublié ou délaissé ces 20 dernières années.

    Pendant cette longue période, plusieurs choses ont étés réalisées concernant le projet. Nous avons pu travailler avec un chanteur de Londres qui a posé sa voix sur tous les titres et également les backing vocaux avec un autre ami chanteur suivant le Groupe depuis plusieurs années également, le résultat est énorme!!!!

    Tu te demandait si Deyss existe encore en 2020 et bien oui clairement, sous d’autres aspects, avec d’autres moyens d’actions, mais ce que je peut te dire et ce ne sont pas des paroles en l’air, c’est que l’aboutissement musical de Deyss et de la PROG ROCK existe, c’est une vrai bombe atomique son nom “Legend of Life” Wait & See…

    Joe De Vita – Deyss Guitars

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    • Tout d’abord, bienvenue sur ce blog! Et merci pour ces explications. Il manque, quelque part sur le web, une vraie histoire du groupe qui regrouperait tous ces éléments et aideraient les fans du groupe à recoller les morceaux.

      C’est d’ailleurs marrant: quand j’ai partagé cet article sur les réseaux sociaux, j’ai eu des réactions d’autres musiciens de prog suisses.

      J’attends avec impatience la suite de l’histoire. Le rock progressif lui-même est la preuve que c’est un genre immortel.

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    • Bonsoir Joe de Vita & Alias,
      Excellente nouvelle que j’entends là. Et c’est juste comme le dit Alias, ce serait très bien de laisser des petites pistes question de raviver la flame, qui soit dit en passant ne s’est jamais éteinte.
      Je fais partie d’un groupe de fans de musique prog en Italie et je peux confirmer si besoin est N’EST PAS MORT!
      On parle même de vous, et oui vos albums ont bien sur laissé des traces.
      Alors s’il y a des nouvelles à suivre, je suis plus que preneur, cela fera très plaisir à notre communauté Prog 2.0
      Si jamais, pour ceux qui lisent et sont interessé, une émission radiophonique -> https://www.radiovertigo1.com/diretta et c’est tous les vendredi de 21 à 23h.

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  2. Oh que non, Deyss n’est pas tombé dans les oubliettes, la preuve j’ai acheté cet album hier chez YouDooRight. Il y aura toujours des mélomanes sur le tard pour s’intéresser à ce qui se faisait avant, ou s’intéresser au prog d’aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que le prog n’est pas vraiment un genre commercial, il y a bien sûr des exceptions comme Genesis, Supertramp, Rush, etc, mais beaucoup d’albums géniaux passent complètement inaperçus au sein du grand public et presque seul le rap se vend bien aujourd’hui, hélas. Bref, on se réjouit d’écouter Legend of Life ! Keep on rockin’ ! Salutations c’t équipe.

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  3. J’ai acheté le CD de “Vision in the Dark” en 1992, si ma mémoire est bonne. Je l’écoute encore de temps en temps avec plaisir. Ce n’est sans doute pas un chef d’oeuvre, mais un bon disque de néo-prog comme il y en a tant eu depuis les années 80. De mon point de vue, les musiciens de Deyss font preuve d’une bonne technique : j’apprécie particulièrement les soli de guitare et de clavier qui sont nombreux et de qualité sur cet album. En 1987, on a fait mieux au niveau du son, mais on a aussi entendu pire. Le timbre de la voix du chanteur me fait pas mal penser à celui de Jon Anderson, avec ça et là des petits problèmes de prononciation de la langue anglaise. Souhaitons à Deyss de revenir avec une inspiration et une qualité sonore au top !

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