Création de contenu et financement en 2022

Mon dernier bilan création et mécénat m’a opportunément rappelé que la dernière version de ce guide Création de contenu et financement datait d’il y a deux ans. Et comme je le mets à jour tous les deux ans, autant se lancer.

Le concept de ce guide, c’est de débroussailler un peu l’offre existante dans les services de mécénat, de financement participatif et autres. Un peu tout ce qui peut permettre à un créateur actif sur Internet de recevoir un peu d’argent.

C’est un tour d’horizon principalement basé sur mon expérience perso. Ça fait plus de dix ans que je m’intéresse au sujet (j’ai ouvert mon compte Flattr il y a exactement onze ans), mais je ne suis pas forcément un méga-expert, non plus. Si vous voyez des trucs qui manquent, n’hésitez pas à me le mentionner; j’en découvre régulièrement.

Oui, mais pourquoi?

J’entends souvent la question « pourquoi est-ce que j’utiliserais ces outils? » Ma réponse est simple: parce que c’est possible.

Il y a deux aspects: soit vous êtes un créateur et ces outils peuvent effectivement apporter un revenu supplémentaire, soit vous voulez soutenir des créateurs que vous aimez et ils sont là pour le permettre. Les deux ne sont bien sûr pas incompatibles.

Après, il ne faut pas se faire d’illusion: en tant que créateur, les revenus que vous pouvez attendre de ces divers outils et services sont directement proportionnels à votre renommée. Je rappelle ici la Deuxième Loi de Doctorow: « La célébrité ne vous rendra pas riche, mais vous ne pouvez pas être payé sans elle. »

Cela dit, le coût initial est minime: la mise en place de la plupart des outils et services que je mentionne peut se faire en une dizaine de minutes.

Services, pluriels

D’abord, il faut s’entendre sur ce que peuvent être ces services et outils. Je reviendrai plus en détail sur chacun, mais je préfère poser dès le départ les bases.

Il y a des services de micro-dons, qui permettent aux utilisateurs d’envoyer et de recevoir des petites sommes, ponctuellement ou régulièrement. Il y a aussi des services de mécénat participatifs, qui sont eux clairement orientés vers le soutien à long terme, avec contreparties optionnelles pour les donateurs. Il y a enfin les services de financement participatif et les cagnottes, qui sont plutôt dédiés à des projets précis et ponctuels.

Les boutiques sont des sites qui proposent des choses à vendre. Elles sont souvent intégrées à d’autres sites (galerie d’image, blog, etc.) et concernent aussi bien les produits physiques que numériques.

Les sites de paiements sont des outils qui, le plus souvent, fonctionnent en marge des précédents et gèrent toute la partie purement banco-financière du processus. Je soupçonne que ce sont des partenaires difficilement contournables pour les services précédemment mentionnés, car leurs services sont plus de l’ordre bancaire et impliquent une rigueur légale et technique que ne peuvent pas toujours avoir les services.

Enfin, j’ai découvert récemment un autre type d’outil. Enfin, un outil qui est techniquement dans sa classe à lui: Retribute.me, un site qui se connecte avec plusieurs services fédérés (Mastodon, Funkwhale et Peertube), pour le moment pour reconnaître les liens vers des services de micro-dons ou de mécénat, ainsi que vers des boutiques.

La publicité

Ça faisait un petit moment que je me demandais combien rapportait la publicité en ligne. J’ai eu un début de réponse via un live de uTip: une vue sur une vidéo de trente secondes, c’est un demi-centime d’euro. Et ça, c’était avant la pandémie; depuis, les prix se sont encore effondrés.

Voila.

Donc, à moins d’avoir un blog à cent mille vues par jour, laissez tomber: c’est moche, plus de la moitié des utilisateurs les bloque (notamment parce que c’est moche) et ça rapporte des cacahuètes.

Les écosystèmes

Pressformore est « pressformort », Carrot végète. À mon avis, c’est un modèle qui est mort.

Il faut cependant signaler qu’il existe des nouveaux modèles d’écosystèmes, comme le navigateur Brave, ou le standard de web monetization, notamment proposé par Coil. Je n’ai pas eu l’occasion de m’y intéresser de près, mais le fait que Brave se base sur des cryptodevises m’incite plutôt à la méfiance.

De toute manière, le défaut de ces écosystèmes, c’est que leur intérêt réside dans le nombre de personnes qui s’y inscrivent et, au début, c’est rarement la grande foule. De ce point de vue, Coil et la web monetization sont peut-être la meilleure option, mais je trouve quelque chose de malsain dans le fait d’intégrer ça dans les standards.

Micro-dons

Le concept central derrière les services de micro-dons, c’est que si tu vois un truc qui te plaît, tu as un bouton que tu cliques et ça donne quelques sous au créateur du truc en question. Ce sont des services qui sont centrés sur les contenus plus que sur les créateurs.

C’est aussi un modèle qui semble sensiblement sur le déclin. Ce qui est compréhensible, si on juge sur le fait que ça ajoute un niveau de complexité que beaucoup de gens n’ont pas envie de gérer, mais je ne peux m’empêcher de trouver ça dommage, parce que c’est ce qui me paraissait le plus naturel.

Par rapport à il y a deux ans, deux services ont rejoint le Grand Serveur dans le Ciel: ProTip et MyTip.

Parmi ceux qui restent, Flattr est un peu le Grand Ancien des services de micro-dons: il existe depuis plus de douze ans. Dans le dernier guide, je mentionnais que j’étais passé de 15-20€ par mois à zéro; ça ne s’est pas amélioré depuis.

Le concept derrière Flattr, c’est une extension pour navigateur qui enregistre automatiquement les visites sur des sites qui ont activé Flattr. C’est du clic automatique tous les X temps, le X dépendant de plusieurs facteurs.

Dans l’absolu, c’est loin d’être con, surtout lié à un partenariat avec un des bloqueurs de pubs majeurs (AdBlock Plus), mais je me demande franchement qui utilise encore Flattr. La nouvelle mouture du site a viré l’index de ses utilisateurs, ce qui n’aide pas à trouver du contenu « flattrable ».

Liberapay est toujours présent et plutôt actif. À la base, c’est un peu l’ancien Flattr en version open-source, avec une touche de mécénat participatif. On peut, par exemple, définir des abonnements (techniquement, sur Flattr aussi), et aussi créer des équipes.

La différence « majeure », c’est que sur Liberapay, les payements sont hebdomadaires et non mensuels. De mon point de vue, c’est un des services les plus convaincants. Déjà, il n’essaye pas de faire autre chose que redistribuer des sous entre donneurs et créateurs et il a pas mal de trucs sympas.

Ko-fi est un système populaire auprès des créateurs américains, mais je ne suis toujours pas impressionné. D’une part, le don minimal est de USD 1, ce qui est un peu à la limite ce ce que je considérerais comme un « micro-don ». Ensuite, c’est un service qui a un côté « réseau social ». Autrement dit, pour être visible sur sa propre page Ko-fi, il fait entrer les liens à la main.

Autant dire qu’en plus de deux ans, je n’ai jamais rien reçu sur Ko-Fi.

Mécénat

Si la plupart des services de micro-dons proposent des dons récurrents (sinon tous), il existe des outils spécifiquement conçus pour organiser des dons à plus long terme. Ces services sont Patreon et Tipeee; ils sont très similaires, surtout depuis que Patreon a ouvert une section européenne et propose des versions traduites de son site.

Les outils de mécénat se rapprochent des services de financement participatif en ce qu’ils permettent de créer des “paliers” de contribution. La somme mensuelle minimale est souvent de 1 (euro ou dollar), mais une contribution plus élevée permet par exemple d’avoir accès à du contenu exclusif.

Pour le créateur, ce sont des outils qui peuvent être très puissants, très incitatifs, mais qui demandent un poil plus de préparation. Pour présenter son projet, d’abord, puis pour proposer des contreparties supplémentaires qui soient à la fois attractives et raisonnables. Contrairement aux outils de micro-dons, ils sont plus orientés sur les créateurs ou sur les projets que sur les contenus.

Enfin, il y a uTip, qui est une plateforme qui est un peu hybride. Techniquement, elle permet des micro-dons, mais aussi des dons récurrents. Auparavant, le service proposait également un système de paiement par visionnage de publicité, mais comme mentionné plus haut, les prix se sont effondrés et uTip a abandonné l’idée.

La plateforme propose également deux autres sources de revenu: la création d’objets personnalisés – t-shirts, tasses, tapis de souris, etc. – via un partenariat avec un service spécialisé. Un peu comme le ferait un Redbubble, mais intégré.

Elle a également un partenariat avec un autre service spécialisé qui propose des NFT. Je le mentionne pour ceux que ça intéresse, mais personnellement, tout ce que j’ai lu à propos des NFT ne fait penser que c’est une Mauvaise Idée.

Si vous faites du streaming, uTip propose également un overlay.

Autres

Je mentionnerais également deux services: OnlyFans, aussi basé sur les abonnements et qui a une réputation sulfureuse car il est beaucoup utilisé pour des contenus érotiques, voire pornographiques. J’ai créé un compte, pour voir, mais je n’ai pour le moment rien trouvé de très intéressant (je n’ai pas beaucoup cherché non plus).

L’autre, c’est Comradery, qui semble être une version co-opérative d’un Patreon. Là encore, je ne suis pas allé très loin; le site m’a été suggéré par un contact sur Mastodon, mais je soupçonne qu’il est très orienté vers le monde anglo-saxon, pour le moment.

En conclusion

Le financement de contenu, ce n’est pas sale. Ce n’est même pas réellement difficile. Par contre, c’est vrai que ça demande un peu plus de travail que le simple « poser un bouton sur son site web et attendre la pluie de brouzoufs. »

D’une part, il ne faut pas hésiter à jouer les évangélistes, pour sa propre paroisse d’abord et pour le concept en lui-même. Si personne ne sait que ces outils existent et que vous comptez – un peu – dessus pour avoir un petit bonus de revenus, personne ne les utilisera.

Alors, oui, ça peut faire un peu bobo à l’égo de « demander la charité », mais on peut aussi le présenter de façon plus positive. Quelque part, ça fait partie de l’aspect « se vendre » et si vous proposez régulièrement du contenu gratuitement sur Internet, pourquoi ne pas proposer à vos admirateurs la possibilité de faire plus qu’un simple « like » (« like with benefits »)?

Par contre, je vous déconseille de faire comme moi et de vous abonner à tous les services possibles et imaginables. Je le fais parce que le sujet m’intéresse et que je veux voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Les plateformes que recommande sont surtout uTip et Patreon, plus Liberapay pour les gens qui sont dans mouvance open-source et licences libres. Si, dans votre public-cible, vous avez beaucoup d’Américains, Ko-Fi est peut-être plus adaptés.

Quant à Tipeee, je me suis déjà exprimé sur le sujet: je ne recommande plus pour des raisons éthiques.

Finalement, si le concept vous intéresse, je vous recommande de vous inscrire sur plus d’une plateforme. Ça multiplie peut-être le travail, mais c’est aussi l’assurance que, si vous perdez votre compte pour une raison ou pour une autre, vous n’avez pas tous vos œufs dans le même panier.

Photo: Dan Dennis via Unsplash.

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Blog à part est un blog sans publicité. Son contenu est distribué sous licence Creative Commons (CC-BY).

Si vous souhaitez me soutenir, vous pouvez me faire des micro-dons sur Ko-Fi, sur Liberapay ou sur uTip. Je suis également présent sur Patreon et sur KissKissBankBank pour des soutiens sur la longue durée.

2 réflexions au sujet de “Création de contenu et financement en 2022”

  1. Tu ne mentionnes pas “Buy me a coffee.”
    Parce que c’est uniquement en anglais ?

    Et puis aussi tout simplement PayPal qui permet aussi de simples dons (micros ou pas).

    J’utilise tous les deux, ainsi que Liberapay (je viens juste de créer un compte Utip, il y a une semaine)

    Niveau “ceux qui marchent le mieux” j’aurais du mal à dire, j’ai pas ton lectorat, donc pas de dons réguliers, mais au final, c’est PayPal qui m’a rapporté le plus je pense (j’ai même reçu un don de $100 une fois).

    Répondre
    • Je ne connaissais pas Buy Me a Coffee – ou alors il est possible que j’ai confondu avec Ko-Fi, qui a sensiblement la même idée.

      Je n’ai pas mentionné PayPal, parce que dans ma tête, c’est surtout un service de paiement, avec lequel accessoirement on peut faire des dons. Mais j’aurais pu (et, dans d’anciennes versions du guide, il me semble que je l’avais fait).

      Répondre

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