Une autre croissance est possible, sans exclusion

Je ne reviendrai pas ici sur les résultats du vote du 9 février, en Suisse, mais sur un argument dont l’usage par les milieux de droite xénophobe commence sérieusement à m’inquiéter: celui de la croissance anarchique et du bétonnage du paysage.

Cela fait maintenant un petit moment que je m’intéresse au sujet de la décroissance – ou, pour être plus précis, d’un autre paradigme de croissance. Parce que le nôtre est franchement toupourri: il est principalement basé sur un indicateur, le Produit intérieur brut (PIB pour les intimes) qui est purement marchand.

En d’autres termes, une belle forêt, c’est zéro PIB, mais un paysage ravagé + un tas de bois, c’est la valeur du tas de bois en PIB. Oui, je simplifie, mais c’est l’idée générale: des facteurs tels que la bonne santé de la population ne rentrent pas en compte (mais la vente de médicaments, si; conséquence: une population malade, c’est bon pour le PIB).

Le modèle est complètement absurde, mais il est le socle de toute notre société depuis des décennies. Quand les politiques parlent de “croissance”, c’est bien cela qu’ils ont en tête (consciemment ou non): d’un modèle qui promeut la destruction de l’environnement, parce que ça rapporte des sous. Je vous invite à lire, sur ce sujet, Vos observables tuent-elles votre valeur?, un article de Lionel “Ploum” Dricot qui, entre autres choses, remarque:

Naturellement, le système va tendre vers une maximisation de l’observable en oubliant complètement l’objectif premier, à savoir la maximisation de la valeur.

(Au passage, lisez aussi son article La voiture, premier front de la guerre à l’innovation, qui est un magnifique exemple d’un système qui devient néfaste en se perpétuant sur des modèles obsolètes.)

Pour en revenir aux xénophobes de service, leur tentative de récupération des arguments écologiques n’est pas nouveau, mais surtout est complètement hypocrite. La plupart des partis de ce genre sont de farouches partisans d’un ultralibéralisme enthousiaste. Ce qui est logique: ce sont souvent des partis conservateurs; rejeter le modèle socio-économique existant, ce n’est pas leur truc.

C’est d’ailleurs frappant de voir, en Suisse, ceux qui disent vouloir limiter le nombre d’étrangers pour défendre l’emploi être dans le même temps opposés à toutes les initiatives sociales, du genre salaire minimum ou limitation des hauts revenus. Mettre les entreprises dans la merde en les privant de main d’œuvre, le plus souvent qualifiée, c’est normal; donner des salaires corrects aux employés, c’est Mal!

Le danger est double: d’une part, de voir des partisans d’un autre modèle de croissance voter avec les xénophobes et, d’autre part, cet autre modèle être discrédité auprès de gens de gauche plus traditionalistes, car utilisé par ces mêmes xénophobes. Or, quand on regarde un minimum, on se rend compte que ces partis conservateurs et xénophobes sont le plus souvent à l’opposé des valeurs écologistes: pro-bagnoles, anti-régulation, etc.

Il faut être clair: un modèle alternatif de croissance ne doit pas se baser sur l’exclusion. Parce que, techniquement, c’est déjà ce que fait l’actuel modèle, qui se sert (voire encourage) des écarts extrême de richesse pour maintenir l’état des choses. La vraie valeur se trouve dans des éléments non immédiatement quantifiables: l’éducation, la santé, le bonheur.

Un vrai modèle alternatif de croissance doit certes se concentrer sur le local, mais surtout promouvoir un meilleur partage des richesses, une répartition plus juste. Si cela doit signifier pour nous, nord-occidentaux, moins de gadgets à l’utilité douteuse, ça ne me dérange pas.

(Photo par Rémi Kaupp, sous licence Creative Commons, partage à l’identique CC-BY-SA, via Wikimedia Commons.)

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5 réflexions au sujet de “Une autre croissance est possible, sans exclusion”

  1. Que dire, si ce n’est que je suis entièrement d’accord avec toi, ce qui ne te surprendra pas. Je pense qu’il existe largement assez de modèles et d’idées alternatifs. Il faut s’y mettre et essayer. Le travail commence par soi-même, d’ailleurs, car il faut, en tout cas pour l’instant et pour sans doute beaucoup de temps encore, pas mal de conviction pour avancer à contre-courant du modèle économique dominant.

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